lundi 8 septembre 2014

Comme promis, un petit panorama ethnico-gourmand pour les panivores avides de nouvelles sensations gustatives: les pistolets! Enfin, lorsque j'ai écrit cette rubrique, le restaurant "Pistolet-Original" (à Bruxelles, au Sablon) n'existait pas encore, ce qui explique mon désespoir dans le texte, désespoir qui n'est plus de mise, ouf!


FESSES ET BAISURE

« La v’là qui nous propose un plan louche, style partouze pas recommandable qui n’a pas sa place dans un hebdo respectable » penserez-vous sans doute à la lecture de ce titre aux consonances ordurières. Et pourtant vous connaissez votre servante, aussi innocente que l’agneau de prés salés qui vient de naître. Forts de cela, vous devriez donc être rassurés, car je ne veux vous parler que de nos honnêtes et surtout inimitables pistolets nationaux. Que diable pourrais-je vous apprendre de plus sur un produit que tout Belge qui se respecte connaît par cœur ? Justement, c’est à vous que je demande instamment aide et assistance, car comme vous le savez bien, aujourd’hui, tout fout l’camp, et nos pistos itou ! Ne trouvons-nous pas en effet beaucoup trop souvent de fades petits ballons mous et parfaitement sphériques, là où nous attendons une croûte croustillante recelant une mie dense et onctueuse, et surtout, la forme de fesses de bébé ? Le vrai pistolet se doit d’être largement et profondément fendu pour mériter son nom d’arme à feu ; et de présenter parfois une baisure, ce cratère latéral dû à deux petits pains qui ont collé ensemble à la cuisson ; pour ce qui est de sa composition, la recette traditionnelle comportait du saindoux mais je pense qu’aujourd’hui, le diététiquement correct qui bannit toute graisse qui n’arbore pas fièrement ses sacro-saints oméga 3, jumelé au bas coût des matières grasses végétales douteuses comme l’huile de palme ou autres coprah, veulent que cet ingrédient trop cochon soit remplacé par un améliorant bien industriel destiné tant à nous donner bonne conscience qu’à augmenter le profit des vilains capitalistes producteurs. Ce bien sûr, au détriment du goût, mais c’est tellement secondaire, n’est-ce pas ? Alors, amis panivores, si dans votre quartier ou votre village vous avez la chance d’avoir un boulanger qui fasse des pistos dignes de ce nom, je vous demande non seulement de le chérir et le caresser dans le sens du poil, mais aussi de le clamer bien fort pour que votre tante Juju soit informée de l’aubaine !

PRENDRE SON PIED

D’après mon expérience, c’est à notre côte belge que l’on a le plus de chances de trouver encore de très corrects pistolets pleins de mie consistante, croquants et largement fendus. Quant aux garnitures qui leur vont comme autant de gants, il y a bien sûr les crevettes grises, l’américain préparé* ou le pâté de campagne, voire la confiture, le  choco ou même la pâte de spéculoos ; mais pour ma part, je ne les aime jamais autant qu’avec « seulement » (j’adore cette réduction hypocrite) du beurre doux après les avoir évidés de leur mie (roulée en boulette puis dégustée pendant qu’on tartine l’intérieur du pistolet) puis trempés une seconde dans une grande jatte** de café noir non sucré et brûlant.

*note à l'usage des Français: non, le Belge n'est pas cannibale! L'américain désigne chez nous le tartare de boeuf (haché fin, pas au couteau!) "nature" (sans rien) ou "préparé" (assaisonné d'une mayonnaise bien relevée et souvent tomatée)
**le Belge, et surtout le Wallon, refuse voire méprise le café dans un dé à coudre. La jatte désigne la grande tasse remplie à ras-bord de noir bien corsé

Publié en avril 2011 dans Le Vif – Weekend (www.levifweekend.be)

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