POULET AU LIT
Quand j’étais petite, ma mère nous lisait Le petit Poucet, et plus encore que l’épisode indigeste des petits cailloux blancs, ce qui me fascinait était la représentation des filles de l’Ogre qui, le soir dans leur grand lit, rongeaient voracement des os de poulet. Mes fantasmes de pique-nique au lit n’en restèrent pas là, car plus tard, une amie étudiante me raconta ainsi son week-end : « Dimanche, je me suis levée vers 9h, je suis partie au marché, ai acheté un poulet rôti tout chaud, suis retournée à la maison, me suis recouchée et puis j’ai dégusté mon poulet dans mon lit. Aâââh, comme c’était bon ! ». Cette jeune fille n’eût pas évoqué une nuit d’amour torride avec plus de jouissance charnelle… Tout de même, malgré ma gourmandise et mes délires, ce genre de festin au lit me laisse un peu dubitative : n’ai-je pas essayé, petite fille, de croquer des petits-beurres au lit… transformant l’intérieur des draps en planche de fakir de miettes piquantes. Il faut reconnaître que manger au lit est un sport qui demande de la technique et de l’entraînement, et que l’idéal, c’est toujours la pomme et le verre de lait (qui, c’est bien connu, ont l’avantage supplémentaire de favoriser l’endormissement). Cependant, si vous voulez vous faire une soirée-télé (enfin, télé, ou plus si affinités…) au lit tout en dégustant quelque chose de bon, lisez mes suggestions ci-contre tout en bannissant, confort oblige, tout aliment gras, collant ou qui tache, tout ce qui est coulant ou génère des miettes (biscuits, viennoiseries, cakes…) ou des déchets (os, pépins, pelures…) et en favorisant tout ce qui est en format «bouchée » afin de ne pas provoquer d’éboulements alimentaires dans vos draps et sur vos oreillers. Bon, ces injonctions raisonnables ne s’adressent bien entendu pas à ceux pour qui nager dans une piscine de chocolat fondu avec icebergs de marshmallows et récifs de pains à la grecque est un fantasme sensuel ; après tout, « comme on fait son lit, on se couche » !
NOURRITURES LITIERES
Rondelles de pommes de terre à chair ferme salées et poivrées avec dé de foie gras, mini blinis tartinés de fromage frais ail et fines herbes + lichette de saumon fumé (même si vous êtes friqué, pas de caviar, à moins que vous n’ayez envie d’essayer de couver vous-même les œufs en vue d’une pisciculture lucrative), crudités nature sans sauce (céleri, carottes, radis, tomates cerises en faisant attention à croquer celles-ci d’un seul coup afin qu’elles explosent dans votre bouche et pas à l’extérieur, sinon bonjour les schrapnells), œufs de caille durs écalés, dés de fromage (pas friables comme chèvres secs, mimolette ou gouda extra-vieux, parmesan vieux… ou coulants comme gorgonzola, camembert fait…), fines tranches de viande des Grisons bien sèche… et du champagne ! Plus démocratique, minipizzas taille bouchée, pop corn (pas de chips !), crudités, dés de gouda jeune et jambon cuit. Côté sucré, raisins sans pépins, fraises équeutées et bombe de chantilly, glaces en pots ou yaourts. Pas de pâtisseries sauf petits fours de la taille d’une bouchée ou petites profiteroles (sans sauce au chocolat !) ; des carrés de chocolat, des pralines ou du massepain. Evitez les friskos ou barres chocolatées glacés, le chocolat qui les emballe a la fâcheuse manie de s’émietter dès qu’on mord dedans et de transformer votre pyjama (ou votre absence de pyjama…) en constellation collante qui orientera vos rêves vers des cauchemars marécageux…
Traduction des belgicismes à l’intention des Français néophytes :
Pains à la grecque : biscuits feuilletés-levés caramélisés au sucre cristallisé ; pralines : chocolats fourrés ; massepain : pâte d’amandes ; friskos : esquimaux
Publié dans « Le Vif – Weekend » en janvier 2012 (www.levifweekend.be)
Quand j’étais petite, ma mère nous lisait Le petit Poucet, et plus encore que l’épisode indigeste des petits cailloux blancs, ce qui me fascinait était la représentation des filles de l’Ogre qui, le soir dans leur grand lit, rongeaient voracement des os de poulet. Mes fantasmes de pique-nique au lit n’en restèrent pas là, car plus tard, une amie étudiante me raconta ainsi son week-end : « Dimanche, je me suis levée vers 9h, je suis partie au marché, ai acheté un poulet rôti tout chaud, suis retournée à la maison, me suis recouchée et puis j’ai dégusté mon poulet dans mon lit. Aâââh, comme c’était bon ! ». Cette jeune fille n’eût pas évoqué une nuit d’amour torride avec plus de jouissance charnelle… Tout de même, malgré ma gourmandise et mes délires, ce genre de festin au lit me laisse un peu dubitative : n’ai-je pas essayé, petite fille, de croquer des petits-beurres au lit… transformant l’intérieur des draps en planche de fakir de miettes piquantes. Il faut reconnaître que manger au lit est un sport qui demande de la technique et de l’entraînement, et que l’idéal, c’est toujours la pomme et le verre de lait (qui, c’est bien connu, ont l’avantage supplémentaire de favoriser l’endormissement). Cependant, si vous voulez vous faire une soirée-télé (enfin, télé, ou plus si affinités…) au lit tout en dégustant quelque chose de bon, lisez mes suggestions ci-contre tout en bannissant, confort oblige, tout aliment gras, collant ou qui tache, tout ce qui est coulant ou génère des miettes (biscuits, viennoiseries, cakes…) ou des déchets (os, pépins, pelures…) et en favorisant tout ce qui est en format «bouchée » afin de ne pas provoquer d’éboulements alimentaires dans vos draps et sur vos oreillers. Bon, ces injonctions raisonnables ne s’adressent bien entendu pas à ceux pour qui nager dans une piscine de chocolat fondu avec icebergs de marshmallows et récifs de pains à la grecque est un fantasme sensuel ; après tout, « comme on fait son lit, on se couche » !
NOURRITURES LITIERES
Rondelles de pommes de terre à chair ferme salées et poivrées avec dé de foie gras, mini blinis tartinés de fromage frais ail et fines herbes + lichette de saumon fumé (même si vous êtes friqué, pas de caviar, à moins que vous n’ayez envie d’essayer de couver vous-même les œufs en vue d’une pisciculture lucrative), crudités nature sans sauce (céleri, carottes, radis, tomates cerises en faisant attention à croquer celles-ci d’un seul coup afin qu’elles explosent dans votre bouche et pas à l’extérieur, sinon bonjour les schrapnells), œufs de caille durs écalés, dés de fromage (pas friables comme chèvres secs, mimolette ou gouda extra-vieux, parmesan vieux… ou coulants comme gorgonzola, camembert fait…), fines tranches de viande des Grisons bien sèche… et du champagne ! Plus démocratique, minipizzas taille bouchée, pop corn (pas de chips !), crudités, dés de gouda jeune et jambon cuit. Côté sucré, raisins sans pépins, fraises équeutées et bombe de chantilly, glaces en pots ou yaourts. Pas de pâtisseries sauf petits fours de la taille d’une bouchée ou petites profiteroles (sans sauce au chocolat !) ; des carrés de chocolat, des pralines ou du massepain. Evitez les friskos ou barres chocolatées glacés, le chocolat qui les emballe a la fâcheuse manie de s’émietter dès qu’on mord dedans et de transformer votre pyjama (ou votre absence de pyjama…) en constellation collante qui orientera vos rêves vers des cauchemars marécageux…
Traduction des belgicismes à l’intention des Français néophytes :
Pains à la grecque : biscuits feuilletés-levés caramélisés au sucre cristallisé ; pralines : chocolats fourrés ; massepain : pâte d’amandes ; friskos : esquimaux
Publié dans « Le Vif – Weekend » en janvier 2012 (www.levifweekend.be)
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