mardi 2 octobre 2012

Quand le génie culinaire est galvaudé...gourmands du monde entier, unissons-nous! Réagissons! Petit mode d'emploi et illustration...


DES GAFFES ET DES DEGATS…STRONOMIQUES
Mauvais jeu de mots ? Normal : mauvais poil. Elle est bien gentille, la tante Juju, mais parfois elle pique un coup de tronche quand une injustice trop criante fait se rebeller en elle la Robine des Cuisines qui d’habitude se tient à carreau. Jugez plutôt, aimable lecteur, et joignez-vous à mon indignation. Avez-vous remarqué que dès qu’en matière de gastronomie un coup de génie  se fait jour, il est immédiatement dénigré en bourde, distraction, accident, oubli, heureux hasard -  et encore je ne cite que les verdicts les plus aimables. Les sœurs Tatin inventent une tarte extraordinaire qui cuit à l’envers, révélant un bouclier de pommes lustrées de caramel et de beurre ambré qui s’affale avec luxure sur une pâte absolument croquante ? On rit des deux vieilles filles maladroites ou distraites (selon les différentes versions: soit la tarte serait tombée par terre côté pommes, et les pâtissières auraient "recollé" leur dessert tant bien que mal afin de servir quelque chose de présentable, soit elles aurait disposé les pommes directement dans le moule "en oubliant" de mettre la pâte d'abord, cette deuxième version étant d'ailleurs particulièrement...tarte! ). Et ça ne choque personne…mais transposons: imaginons que la ville de Salzbourg ait un jour commandé à Mozart une chansonnette pour le bal musette municipal, mais que suite à un coup de blues l’artiste aurait raté son coup et n’aurait réussi à composer qu’un requiem ; que Dali  ait eu un jour l’ambition de représenter des montres suisses R… mais que faute de talent il n’est parvenu qu’à peindre de ridicules montres molles ; enfin, que Dante, dans la lune, aurait rédigé La divine comédie au lieu du discours pour le mariage de son cousin par alliance au deuxième degré. Ne crierait-on pas au scandale, à l’iconoclastie ? Alors moi, je dis que le pâtissier qui avait « oublié » d’intégrer le beurre dans sa pâte dès le début savait parfaitement qu’il allait créer l’aérienne pâte feuilletée, que le marmiton inventeur du divin  beurre blanc savait parfaitement qu’il ne concoctait pas une hollandaise et n’y avait pas mis de jaunes d’œuf à dessein, et qu’enfin les sœurs Tatin, loin d’être des provinciales demeurées, étaient les dignes ancêtres des géniales Hélène Darroze, Flora Mikula, Anne-Sophie Pic, et pardon à toutes celles que je ne cite pas. Et na ! (ouf, ça va mieux).
N’AVOUE JAMAIS, JAMAIS, JAMAIS…
Fort(e) des constatations ci-dessus, je vous conseille d’une part d’auto-encenser vos trouvailles géniales (on n’a que le bien qu’on se fait), d’autre part de transformer vos éventuels ratages en miracles d’inspiration. Un jour,  voulant faire un apfelstrudel sans me fouler en utilisant des feuilles de brik, je me suis rendu compte trop tard que le sachet s’était ouvert ; les feuilles, desséchées, étaient impossibles à rouler. J’ai dû me résoudre à empiler un informe millefeuilles, baptisé pompeusement « croustillant aux pommes et épices ». Et tous les convives de se récrier devant une telle créativité… 
(Publié dans Le Vif-Weekend en 2009 www.levifweekend.be)

lundi 1 octobre 2012

Il commence à faire un peu frisquet (redondance de diminutifs, mais pertinente). Pour cette raison, j'adresse à mes fidèles ouailles un gros goûter réconfortant...


CRUMBLE vs STREUSEL
Je trouve que les Allemands sont extrêmement conciliants, de ne pas s’insurger contre une fallacieuse exclusivité britannique. Depuis quelques années en effet, on nous matraque à l’envi de recettes de crumbles. Sucrés, salés, chauds, froids, ils sont tendance et bobo tout en étant bon enfant et faciles à cuisiner. A l’origine, c’est un dessert traditionnel et familial qui n’a traversé la Manche que dans les années 80, déferlant sur nos tables en même temps que le tiramisu, le vinaigre balsamique et la roquette. On cria alors à la nouveauté, alors que le point cardinal opposé propose depuis toujours un dessert à peu près similaire : le streusel. Mais voilà, question marketing et esbroufe les British sont plus forts ! Car si aujourd’hui nous connaissons tous le crumble, seuls les voisins des Allemands connaissent cette délicieuse pâtisserie qui reste avec une fâcheuse pudibonderie derrière ses frontières, tout juste si elle exsude au Luxembourg. Dessert casanier pour le malheur des gourmands mais aussi la sauvegarde de nos lignes sylphidiques, sa richesse en fait un péché véniel de poids : beurre, farine, sucre, travaillés en chapelure grossière pour s’ébouler lascivement sur une hémorrhagie de quetsches pourpres, de rhubarbe acidulée ou encore de crème pâtissière, le tout affalé dans une croûte de pâte brisée ou à brioche, le streusel est à la tarte ce que le bonnet G est à la lingerie de Jane Birkin.
ACH, SO GUT !
Oubliez vos convictions ascétiques et enlisez-vous sans hinten-pensée dans le streusel, une expérience ethnologique (très) enrichissante ! Pour ce faire, rien de plus facile : couvrez une pâte à tarte faite maison ou achetée chez monsieur supermarché de fruits de saison et /ou de crème pâtissière puis émiettez au-dessus une pâte composée de 200 g de farine, 150 g de sucre, 150 g de beurre, laissez dorer au four et dégustez tiède ou froid. Vous pouvez germaniser votre chapelure en y ajoutant des graines de tournesol (très utilisées dans les pains allemands) ou du pavot (les graines, pas le petit flacon dont la tante Anastasie prend 3 gouttes tous les soirs pour ronfler à son aise).
pour les non-germanophones, hinten signifie arrière
 Publié dans Le Vif – Weekend en 2009 (www.levifweekend.be)