CRUMBLE vs STREUSEL
Je trouve que les Allemands sont extrêmement
conciliants, de ne pas s’insurger contre une fallacieuse exclusivité
britannique. Depuis quelques années en effet, on nous matraque à l’envi de
recettes de crumbles. Sucrés, salés, chauds, froids, ils sont tendance et bobo
tout en étant bon enfant et faciles à cuisiner. A l’origine, c’est un dessert
traditionnel et familial qui n’a traversé la Manche que dans les années 80,
déferlant sur nos tables en même temps que le tiramisu, le vinaigre balsamique
et la roquette. On cria alors à la nouveauté, alors que le point cardinal
opposé propose depuis toujours un dessert à peu près similaire : le streusel. Mais voilà, question marketing
et esbroufe les British sont plus forts ! Car si aujourd’hui nous
connaissons tous le crumble, seuls les voisins des Allemands connaissent cette
délicieuse pâtisserie qui reste avec une fâcheuse pudibonderie derrière ses
frontières, tout juste si elle exsude au Luxembourg. Dessert casanier pour le
malheur des gourmands mais aussi la sauvegarde de nos lignes sylphidiques, sa
richesse en fait un péché véniel de poids : beurre, farine, sucre,
travaillés en chapelure grossière pour s’ébouler lascivement sur une hémorrhagie
de quetsches pourpres, de rhubarbe acidulée ou encore de crème pâtissière, le
tout affalé dans une croûte de pâte brisée ou à brioche, le streusel est à la
tarte ce que le bonnet G est à la lingerie de Jane Birkin.
ACH, SO GUT !
Oubliez
vos convictions ascétiques et enlisez-vous sans hinten-pensée dans le streusel, une expérience ethnologique (très)
enrichissante ! Pour ce faire, rien de plus facile : couvrez une pâte
à tarte faite maison ou achetée chez monsieur supermarché de fruits de saison
et /ou de crème pâtissière puis émiettez au-dessus une pâte composée de
200 g de farine, 150 g de sucre, 150 g de beurre, laissez dorer au four et
dégustez tiède ou froid. Vous pouvez germaniser votre chapelure en y ajoutant
des graines de tournesol (très utilisées dans les pains allemands) ou du pavot
(les graines, pas le petit flacon dont la tante Anastasie prend 3 gouttes tous
les soirs pour ronfler à son aise).
pour les non-germanophones, hinten signifie arrière
Publié dans Le Vif – Weekend en 2009 (www.levifweekend.be)
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