DINDE AUX MARRONS
Vous croyez peut-être votre ci-devant
bouffie d’orgueil et pétrie de prétention ? Du genre Madame-je-sais-tout ou
autre rodomontade du même tonneau. Bien sûr, je me rebiffe à cette idée mais
étant la principale intéressée ce n’est hélas pas à moi d’en juger. Vous avez
donc peut-être raison, mais en tout cas pas aujourd’hui, car quels vantards
tels Louis XIV, Napoléon ou Salvador Dali se seraient jamais comparés à…une
dinde ? L’autre jour en effet, profitant de la pleine saison mon repas fut
composé exclusivement d’une belle assiette de châtaignes sauvages juste
écorcées, blanchies, pelées puis passées au four. Ni assaisonnement, ni beurre,
tant c’était bon ! En bonne gourmande que je suis, après ce gavage parfumé
je me suis dit que si l’on me mangeait demain ma viande devrait être
particulièrement bonne. Et d’aller plus loin dans mon raisonnement :
puisqu’on sait que les meilleurs cochons sont nourris aux glands de chênes
verts, les plus délicats poulets au lait et aux céréales, le bœuf le plus goûteux
et persillé avec de la bière, quel pourrait bien être l’aliment idéal qui
conférerait à la chair de votre servante une saveur optimum ? Sans oser
adresser un mail à ce sujet à mes confrères anthropophages de Polynésie, de
peur de me faire hi-jacker dans le prochain vol 714 pour Sydney, je me dis en
toute logique qu’en tant qu’omnivores comme notre copain le cochon, la chair
humaine devrait se révéler à son meilleur une fois nourrie d’un féculent subtilement
sucré et à peine oléagineux du genre…marron, justement ! De là, comme en
cette période de fête on est plutôt branché dinde, il n’y a plus qu’un petit
pas pour que votre dévouée se prenne pour une dinde aux marrons, ce qui, vous
en conviendrez, est peut-être moins péjoratif que le dindon de la farce mais ne
permet pas non plus de pavoiser tel le paon au milieu de la basse-cour. Alors,
toujours bravache la tante Juju ? Des clous (de girofle) !
En automne/hiver,
l’association marron – choux de Bruxelles est à son apogée saisonnière
et donc gustative. Voici ma version personnelle de ce plat certes riche et
calorique, mais aussi bien pourvu de fibres, vitamines et minéraux, et bon
marché si vous achetez les produits frais (surgelés ou sous-vide, bonjour la
facture). Pour 4 en plat complet ou 6-8 en accompagnement, nettoyez 1,2 kg de
choux de Bruxelles en ôtant le trognon et les 3-4 feuilles extérieures trop
dures et vertes ; rincez et laissez bien égoutter pour que les légumes
soient secs, idéalement la veille. Prenez une très large sauteuse antiadhésive
à fond plat afin que les choux soient rangés en une seule couche. Faites-y
fondre 2 belles CS bombées de graisse de foie gras (celle qui reste dans le
bocal, ou l’excédent de la terrine que vous avez cuisinée, par ex) à défaut
graisse d’oie ou de canard, beurre ou huile d’olive. Ajoutez 6 CS d’échalote
hachée et 200 g de lardons, laissez revenir puis ajoutez les choux crus coupés
en 2 ou en 4 selon leur grosseur. Fermez la cocotte et laissez cuire très
doucement pendant environ 1 h, les choux doivent être tendres. Ajoutez de 500 à
750 g de marrons pelés et blanchis, un trait de vinaigre d’alcool brun « à
l’ancienne », un soupçon de balsamique et 20 cl de crème. Assaisonnez et
servez dès que les marrons sont chauds.
(publié dans Le Vif – Weekend à Noël
2011, www.levifweekend.be)
Crédit photo: Arnaud Brihay www.brihay.com
Crédit photo: Arnaud Brihay www.brihay.com
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