RISOTTESQUE ESCLAVAGE
Vous me connaissez, une fois de temps
en temps, j’aime bien ruer dans les brancards de la charrette de la cantine,
pour examiner si l’un ou l’autre ukase culinaire est justifié. Oh, il y en a
bien certains qui sont parfaitement scientifiques et vérifiables, comme celui
qui assure qu’une femme ayant ses règles fera rater les confitures si elle
pointe son minois dans la cuisine… Par contre, d’autres affirmations nettement
plus fantaisistes me laissent parfois hautement dubitative. Je vous propose de
nous pencher aujourd’hui sur une étrange dictature qui a la vie dure (toute
rime douteuse mise à part…) : lorsque vous faites votre risotto, l’on vous
enjoint de mouiller votre riz de bouillon, non pas en l’arrosant de toute la
quantité prescrite en une fois comme vous le feriez pour un humble riz pilaf,
mais louche par louche, en remuant sans cesse entre chaque et en poireautant
patiemment (ou bêtement ?) jusqu’à ce que le liquide soit absorbé. En
quoi, je vous le demande, le fait de
rajouter le bouillon peu à peu changerait-il le résultat final ? Ne vous
méprenez pas : je ne dis pas que cette méthode est inutile, je constate
seulement que rien ni personne n’essaie jamais de nous démontrer son caractère
indispensable en expliquant son « pourquoi ». Nous savons tous, par
exemple, que si nous essayons de battre en neige des blancs d’œuf qui
contiennent accidentellement un corps gras, mettons, un peu de jaune ou
d’huile, la neige prendra très mal parce que les molécules de lipides
entraînent une réaction chimique sur les molécules d’albumine. Pourquoi ne nous
donne-t-on pas une telle explication, parfaitement rationnelle, en ce qui
concerne le risotto ? Cela ne vous énerve-t-il pas d’avoir l’impression
d’être pris pour des benêts prêts à avaler n’importe quelle couleuvre ? Je
crois tout simplement que, contrairement à l’image d’Epinal qui veut que
l’Italien soit indolent et paresseux, ce Méridional au sang bouillant aime
travailler dur et, en cuisine comme pour le reste, préconise l’effort et loue la
sueur.
RECETTE POUR FEIGNANTS
Promis, si un jour quelqu’un m’apporte la
justification scientifique de la méthode traditionnelle de cuisson du risotto, j’irai
fissa à Canossa ; en attendant, l’indolente nordiste que je suis fait
l’autruche et élude le problème en vous conseillant une recette dégottée
récemment et aussitôt essayée : le « risotto » de pommes de
terre (qui équivaut à peu près au « fil de fer de cuivre »). Pour 2
en plat complet, pelez 1 kg de pommes de terre à chair très ferme et coupez-les
en dés de 5-8 mm. Faites revenir dans un peu d’huile d’olive un gros oignon
haché, ajoutez les dés, attendez que le tout soit bien enrobé d’huile. Ajoutez
1 cube de bouillon de poule, 1 dose de safran, 15 cl de vin blanc sec et 25 cl
d’eau. Couvrez et laissez cuire tout doucement de 15 à 20 min. Hors du feu,
ajoutez (facultatif, mais plus gourmand) une noix de beurre frais, rectifiez
l’assaisonnement, versez dans 2 assiettes creuses et garnissez de copeaux de
parmesan. Je peux vous garantir que, en tout cas en ce qui concerne nos braves
patates, l’adjonction de tout le liquide de cuisson en une seule fois ne nuit
en rien à la réussite de ce délice : et toc ! (Ah ! Ca fait du
bien…)
publié dans Le Vif - Weekend en mai 2012 www.levifweekend.be
Humm... cette recette a l'air délicieuse !
RépondreSupprimerEt merci aussi pour l'explication des blancs en neige, pour ce qui est du riz pilaf, je ne connais pas d'explication ^_^