lundi 2 juillet 2012

Un peu de théâtre...culinaire


GOURMAND ET AVARE

A priori, difficile de concilier les deux. Notre langue française nous présente le premier comme un sensuel qui ne résiste pas au plaisir, le second un ascète antipathique avec des oursins dans les poches. Voyons l’anglais : si gourmandise se dit greed et avarice miserliness, en termes de péchés capitaux celui de gourmandise est gluttony et celui d’avarice… greed ! Cet étrange rapprochement linguistique n’est sûrement pas un hasard. Du coup, à y repenser ce brave Harpagon me paraît bien plus sympathique, sans compter que si on analyse le texte de L’Avare notre ladre héros est on ne peut plus tendance en matière de gastronomie à nos yeux de 2011. Ne préfère-t-il pas en effet, en lieu et place de l’interminable, riche, tarabiscoté et hypercholestérologène festin suggéré par Maître Jacques, du « haricot » (i.e. du navarin de mouton) et un pâté en terrine avec plein de marrons (Acte III, sc.1)? Or, aujourd’hui le courant gastronomique prêche pour la simplicité, le terroir, et il est bien plus hype de se régaler d’un pot-au-feu gros sel et cornichons que de manger du bout des lèvres un suranné tournedos Rossini. Qui plus est, moi qui raffole des flageolets et des marrons, le menu d’Harpagon me fait saliver. Alors, voici la morale que je vous propose : avarice, oui, tant qu’elle favorise notre gourmandise (voyez ci-dessous) ; mais si cette même pingrerie devait nous réduire par diktat à ne consommer que piètre nourriture, alors, en ce cas, La peste soit de l’avarice et des avaricieux

BONS PLANS RAPIATS MAIS MIAM-MIAM

Même en français, être à la fois gourmand et avare n’est pas du tout incompatible. Il suffit en effet de se régaler avec bon sens : produits de saison et de votre région (fruits et légumes, bien sûr, mais aussi fromages, viandes, poissons, charcuteries etc) seront toujours meilleurs et moins chers - pensez à ces cerises de décembre importées de la galaxie voisine, hors de prix mais pas terribles. Sinon, quelques économies de bouts de chandelles peuvent aboutir à des régals. Par exemple, si vous semez votre basilic (et non « replantez » votre pot-du-supermarché !) vous obtiendrez à peu de frais un parfum beaucoup plus puissant que l’herbe préemballée vendue à prix d’or…c’est valable pour beaucoup d’autres herbes, alors profitez-en d’autant plus qu’elles ne prennent pas beaucoup de place, même si vous ne disposez que de quelques jardinières sur votre balcon de ville. Enfin, si vous le pouvez cultivez vos propres fraises : quelques stolons « remontants » achetés une misère en jardinerie vous offriront tout l’été des joyaux de parfum et de sucre, bien meilleurs que ceux du magasin, et qui ne vous auront coûté que… peanuts !

Publié dans Le Vif - Weekend, juillet 2011 ; www.levifweekend.be


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