GOURMAND ET AVARE
A priori, difficile de concilier les deux.
Notre langue française nous présente le premier comme un sensuel qui ne résiste
pas au plaisir, le second un ascète antipathique avec des oursins dans les
poches. Voyons l’anglais : si gourmandise se dit greed et avarice miserliness,
en termes de péchés capitaux celui de gourmandise est gluttony et celui d’avarice… greed !
Cet étrange rapprochement linguistique n’est sûrement pas un hasard. Du coup, à
y repenser ce brave Harpagon me paraît bien plus sympathique, sans compter que
si on analyse le texte de L’Avare
notre ladre héros est on ne peut plus tendance en matière de gastronomie à nos
yeux de 2011. Ne préfère-t-il pas en effet, en lieu et place de l’interminable,
riche, tarabiscoté et hypercholestérologène festin suggéré par Maître Jacques,
du « haricot » (i.e. du navarin de mouton) et un pâté en terrine avec
plein de marrons (Acte III, sc.1)?
Or, aujourd’hui le courant gastronomique prêche pour la simplicité, le terroir,
et il est bien plus hype de se régaler d’un pot-au-feu gros sel et cornichons
que de manger du bout des lèvres un suranné tournedos Rossini. Qui plus est,
moi qui raffole des flageolets et des marrons, le menu d’Harpagon me fait
saliver. Alors, voici la morale que je vous propose : avarice, oui, tant qu’elle
favorise notre gourmandise (voyez ci-dessous) ; mais si cette même
pingrerie devait nous réduire par diktat à ne consommer que piètre nourriture,
alors, en ce cas, La peste soit de
l’avarice et des avaricieux…
BONS PLANS RAPIATS MAIS MIAM-MIAM
Même en français, être à la
fois gourmand et avare n’est pas du tout incompatible. Il suffit en effet de se
régaler avec bon sens : produits de saison et de votre région (fruits et
légumes, bien sûr, mais aussi fromages, viandes, poissons, charcuteries etc) seront
toujours meilleurs et moins chers - pensez à ces cerises de décembre importées
de la galaxie voisine, hors de prix mais pas terribles. Sinon, quelques
économies de bouts de chandelles peuvent aboutir à des régals. Par exemple, si
vous semez votre basilic (et non « replantez » votre
pot-du-supermarché !) vous obtiendrez à peu de frais un parfum beaucoup
plus puissant que l’herbe préemballée vendue à prix d’or…c’est valable pour
beaucoup d’autres herbes, alors profitez-en d’autant plus qu’elles ne prennent
pas beaucoup de place, même si vous ne disposez que de quelques jardinières sur
votre balcon de ville. Enfin, si vous le pouvez cultivez vos propres
fraises : quelques stolons « remontants » achetés une misère en
jardinerie vous offriront tout l’été des joyaux de parfum et de sucre, bien
meilleurs que ceux du magasin, et qui ne vous auront coûté que… peanuts !
Publié dans Le Vif - Weekend, juillet 2011 ; www.levifweekend.be
Publié dans Le Vif - Weekend, juillet 2011 ; www.levifweekend.be
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