Clouche ou dollop? Vertus comparées, chapitre II
Avec une indécente fatuité, je subodore que je vous ai tous tant que vous
êtes laissés pantelants de curiosité depuis une semaine après l'abrupte autant
qu'inhumaine interruption de votre feuilleton de psycho-linguistique comparée.
Me revoilà donc, exsangues lecteurs, avec la seconde partie de notre
passionnante étude.
Après nous être penchés sur les mesures de liquide/fluide, intéressons-nous à celles des (semi)solides: de la confrontation entre notre clouche nationale ou du dollop* anglo-américain, que pouvons-nous inférer?
Après nous être penchés sur les mesures de liquide/fluide, intéressons-nous à celles des (semi)solides: de la confrontation entre notre clouche nationale ou du dollop* anglo-américain, que pouvons-nous inférer?
Pour commencer, est-il bien nécessaire de vous expliciter la clouche? Si
malgré tout je réponds à cette question rhétorique, c'est juste pour le plaisir
d'évoquer le tombereau de pickels qui s'affaissent avec nonchalance sur une
portion de frites croustillantes...Ceci dit, gardons notre sérieux
scientifique: si on l'associe souvent à quelque chose de gourmand, la clouche
est bel et bien une mesure et peut donc aussi concerner un ingrédient
diététique (voyez recette ci-après); de même que le dollop, bien qu'il
suggère le plus souvent un ajout indécemment calorique, préconise parfois de
politiquement correctes ponctuations de yaourt.
Un examen très poussé de notre vocable belge révèle l'extraction des mots
"cuiller " et "louche" condensés, d'où l'indubitable
abondance - si chère à notre gastronomie nationale - de la portion; alors que
le dollop m'évoque a priori dollar: en effet, la pièce d'1 $ au
très grand diamètre (+/- 4 cm) pourrait figurer celui de la cuillérée (avec
monticule autorisé, toutefois, ce qui augmente aux 3D le volume de la ration!).
Suite à cette dernière observation, les restrictions (pas trop sévères,
concédons-le) quantitatives que suggère le terme anglais ne m'effraient pas
outre mesure. Par conséquent, entre la clouche de mayo que nous déposons
gaillardement sur notre tomate-crevettes, et le dollop de whipped
cream qui fond lascivement sur la gargantuesque part d'apple-pie
fumant, mon coeur et surtout mon estomac balancent..pas vous?
Ceci étant, et sans prétendre avoir fait le tour complet de la question, il
me semble opportun de conclure notre brillante approche comparative des schloek/glug
et clouche/dollop par la constatation que, si les 4 entités lexicales
étudiées révèlent chacune une approche relax et décomplexée des proportions
culinaires, "timide" voire "timoré" sont des adjectifs dont
nos 2 idiotismes belges ignorent la signification!
* pour être exhaustive, je me dois de vous préciser que parfois la langue
anglaise du Royaume-Uni utilise l'expression blob pour évoquer sa clouche;
mais ceci est une autre histoire...
Tour de main
Testez donc vos connaissances en réalisant cette délicieuse et facile
recette donnée par une amie israëlo-bruxelloise (comme quoi notre lexique est
universellement approuvé!):
le pain au son de Michèle
"Tu prends 1 kg de farine et tu ajoutes 1 clouche de son et 4 cuillers
à café de sel; mélange avec 1 cube de levure fraîche délayé dans un peu d'eau
tiède puis pétris la pâte avec assez d'eau tiède pour obtenir la consistance
d'une chique déjà chiquée (sic!). Dépose la pâte dans un
moule à cake graissé, laisse lever puis cuis environ 1 h à four chaud."
Mes précisions: on peut remplacer la levure fraîche par 2 sachets de levure
sèche (pas de levure dite "chimique"); la quantité totale
d'eau est approximativement de 60 cl, et le temps de levée d'1 h (le volume du
pain doit doubler; mon truc: mettez le moule dans le micro-ondes (éteint!!!) où
la pâte pourra lever à l'abri des courants d'air et des variations de T°); au
lieu de graisser le moule, chemisez-le d'une bande de papier-cuisson; enfin,
vous pouvez remplacer tout ou partie de la farine par de la farine de blé
complet (le pain sera alors plus compact).
A déguster de préférence tout chaud avec, cela va sans dire, une belle clouche
de beurre frais...
Publié
dans Le Vif – l’Express – Weekend en 2009 http://weekend.levif.be
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