Je sais bien, Ô fidèle lecteur(trice), que vous n'attendez de cette
rubrique que futilité et terre-à-terre pour délasser votre esprit repu des
sujets graves, scientifiques ou culturels que les media vous prodiguent à
l'envi. J'ai nonobstant le fantasme égoïste et surtout présomptueux de partager
avec vous cette semaine et la suivante mes réflexions très profondes au sujet
d'un point de linguistique comparée qui, s'il était abordé par les
submentionnées, serait une source d'élévation intellectuelle pour les
universités de Cambridge/Oxford et les VUB/ULB réunies (i.e. les 2 universités de Bruxelles, respectivement néerlandophone et francophone).
Tandis que le flegmatique cuistot british arrose sa poêle d'un glug d'huile d'olive ou de brandy selon qu'il s'apprête à frire des veggies ou flamber des kidneys, le Belge gratifie ses choesels ou ses crêpes Suzette d'un schloek (pour les Français, prononcer « chlouk ») d'eau-de-vie ou de liqueur. Glug et schloek, simples synonymes de "rasade" dans leurs idiomes respectifs? Pas sûr...du moins selon votre servante qui s'est penchée sur la question avec le sérieux et l'intransigeance qui la caractérisent. Partant du présupposé que l'un et l'autre vocable s'appliquent exclusivement à un rajout de liquide ou de fluide, il me semble limpide que le mot "glug" découle d'un phénomène acoustique: le bruit de déglution, de glou que fait une bouteille lorsqu'on penche le goulot (débouché!) de celle-ci entre 45 et 90° environ. Il s'agit donc d'un phénomène de pure physique, mesurable et vérifiable, d'une précision avec laquelle on ne blague pas. Cela n'est pas du tout le cas de notre schloek national dont la plage d'interprétation a des frontières d'un flou artistique consommé. Rappelez-vous donc que le Capitaine Haddock, lorsqu'il précise "une larme, un soupçon" de whisky, sous-entend qu'en fait il en désire un bon schloek! En effet, schloek correspond phoniquement à la cascade qui jaillit hors de la bouteille, sans limitation quantitative ou temporelle; ainsi notre expression serait-elle hautement subjective face à l'objectivité du glug - les British l'ont d'ailleurs si bien compris qu'ils n'hésitent pas à rendre leur expression analytique en la combinant avec good "une bonne rasade", pour tenter d'excéder la ration autorisée...mais cela reste tout de même une déglutition, avec la limitation chiffrable que ce mot impose. Les pauvres! En revanche, le schloek présente des propriétés quantitatives si élastiques que notre citoyen, avec l'indiscutable tempérance qui est son apanage, choisit parfois l'option synthétique en usant des diminutifs schloekske ou schloeschkes lorsqu'il tient à faire éclater au grand jour ses fort louables prérogatives de diététique.
Tandis que le flegmatique cuistot british arrose sa poêle d'un glug d'huile d'olive ou de brandy selon qu'il s'apprête à frire des veggies ou flamber des kidneys, le Belge gratifie ses choesels ou ses crêpes Suzette d'un schloek (pour les Français, prononcer « chlouk ») d'eau-de-vie ou de liqueur. Glug et schloek, simples synonymes de "rasade" dans leurs idiomes respectifs? Pas sûr...du moins selon votre servante qui s'est penchée sur la question avec le sérieux et l'intransigeance qui la caractérisent. Partant du présupposé que l'un et l'autre vocable s'appliquent exclusivement à un rajout de liquide ou de fluide, il me semble limpide que le mot "glug" découle d'un phénomène acoustique: le bruit de déglution, de glou que fait une bouteille lorsqu'on penche le goulot (débouché!) de celle-ci entre 45 et 90° environ. Il s'agit donc d'un phénomène de pure physique, mesurable et vérifiable, d'une précision avec laquelle on ne blague pas. Cela n'est pas du tout le cas de notre schloek national dont la plage d'interprétation a des frontières d'un flou artistique consommé. Rappelez-vous donc que le Capitaine Haddock, lorsqu'il précise "une larme, un soupçon" de whisky, sous-entend qu'en fait il en désire un bon schloek! En effet, schloek correspond phoniquement à la cascade qui jaillit hors de la bouteille, sans limitation quantitative ou temporelle; ainsi notre expression serait-elle hautement subjective face à l'objectivité du glug - les British l'ont d'ailleurs si bien compris qu'ils n'hésitent pas à rendre leur expression analytique en la combinant avec good "une bonne rasade", pour tenter d'excéder la ration autorisée...mais cela reste tout de même une déglutition, avec la limitation chiffrable que ce mot impose. Les pauvres! En revanche, le schloek présente des propriétés quantitatives si élastiques que notre citoyen, avec l'indiscutable tempérance qui est son apanage, choisit parfois l'option synthétique en usant des diminutifs schloekske ou schloeschkes lorsqu'il tient à faire éclater au grand jour ses fort louables prérogatives de diététique.
L'espace typographique destiné à museler ma logorrhée mais aussi et surtout à conserver votre bienveillance à mon égard m'interdisent de mener mes déductions plus avant; aussi conclurai-je du haut de mon patriotisme irréprochablement objectif que notre schloek national est, sinon supérieur, tellement plus riche de nuances et d'extrapolations que son homologue d'outre-manche muselé par la perfide, non pas Albion, mais ...phonétique!
...et la semaine prochaine, ne manquez surtout pas le second épisode de votre palpitant feuilleton digne des Mystères de Paris: "Clouche ou dollop? Vertus comparées". Courez ventre à terre chez votre libraire dès vendredi prochain pour vous procurer votre hebdo préféré!*
* vous aurez remarqué le subtil argument publicitaire pour booster les
ventes...
Tour de main
En attendant, vos Travaux Pratiques après ce cours magistral consisteront,
si vous le désirez, à tâter du délicieux
Vitello alla Anna
Farinez puis saississez dans un schloekske d'huile d'olive bien
chaude de fines escalopes (piccate) de veau; assaisonnez, laissez
reposer hors du feu pendant 2 minutes pour laisser tiédir la poêle puis
parfumez d'un schloek de marsala: grattez bien les sucs en remettant
brièvement la poêle sur le feu puis servez avec des tagliatelle fraîches ou une
polenta.
Quel est l'équivalent
italien du schloek? Connaissant ce peuple exquis, la mesure locale doit
être d'une tolérance extravagante!
Publié dans Le Vif – l’Express – Weekend en 2009 http://weekend.levif.be
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